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6 clés pour comprendre la méthode Montessori

6 clés pour comprendre la méthode Montessori

par Erik Pigani

Entre 2011 et 2014, une expérimentation audacieuse a été menée dans l’école maternelle publique Jean Lurçat, au cœur d’un quartier défavorisé de Gennevilliers : créer une classe multi-niveaux fondée sur la pédagogie Montessori. Un projet mené par Céline Alvarez(1), professeur des écoles formée à cette méthode, soutenu par la Direction générale de l’enseignement scolaire et par l’association Agir pour l’école. Celle-ci a donné des résultats sans appel : les enfants qui ont bénéficié de cette expérience avaient un raisonnement non seulement bien au-dessus des autres enfants du quartier, mais aussi de la moyenne nationale. Dès 5 ans, ils savaient lire et écrire, utilisaient la numération décimale, comptaient jusqu’à 1000, étaient plus autonomes, calmes et motivés… et prenaient plaisir à coacher les plus jeunes !

Stanislas Dehaene neuroscientifique de renom international et professeur de psychologie cognitive au Collège de France, est venu observer cette classe – accompagné d’un autre neuroscientifique chargé de recherches à l’Inserm. Pour eux, les intuitions de la pédagogue et médecin italienne Maria Montessori (1870-1952) sont aujourd’hui confirmées par les sciences cognitives et la psychologie expérimentale. Notamment, en ce qui concerne la prise en compte du rythme propre de l’enfant, le choix de l’activité par l’enfant, l’accent mis sur le développement de la créativité, le mélange des âges et des niveaux, la pertinence du matériel pédagogique utilisé… Ce qui explique les résultats plus qu’encourageants de cette expérience. Et la position de Jean-Michel Blanquet, ministre de l’Éducation nationale, qui a mis en place un Conseil scientifique pour l’école et dit être favorable à la pédagogie Montessori. Une sorte d’urgence à l’époque où la France se retrouve piteusement en 26e position du classement PISA(2)

Le succès du film d’Alexandre Mourot Le maître est l’enfant, tourné dans la plus ancienne école Montessori de France(3), qui a interpellé des milliers de parents depuis sa sortie en 2017 et dont le DVD sort ce mois-ci(4) –, et la création de nombreuses écoles Montessori dont l’École des Orchidées à Le Port-Marly(5), montrent qu’on parle de plus en plus de la pédagogie Montessori. Pourtant, ses principes de base restent encore très flous pour beaucoup.

Voici donc, 6 clés pour comprendre l’essentiel de cette méthode :

Respecter le rythme naturel de l’enfant

Ce n’est que depuis une trentaine d’années que l’on s’intéresse aux rythmes biologiques et psychologiques des enfants, avec une nouvelle discipline : la chronobiologie. Depuis, le sujet fait largement débat pour ce qui concerne les rythmes scolaires. Mais si, en son temps, Maria Montessori avait déjà soulevé la question, c’est plutôt sur le rythme personnel – le rythme psychique – qu’elle a porté son attention : pour elle, chaque enfant est unique. Aussi, il a sa propre façon de vivre le monde et de vivre le temps. Certains réagissent et assimilent plus vite, d’autres moins. Il est donc important de respecter ce temps propre à chacun, qui peut aussi varier en fonction des moments de la journée, de la période du développement de l’enfant, et même de l’activité. Donc, un éducateur dans une école Montessori ne dira jamais à un enfant « tu es lent » ou « tu vas trop vite ». Il va simplement identifier le moment où il lui semble que l’enfant est prêt. Ce qui évite, entre autres, de l’enfermer dans une catégorie, et laisse le temps nécessaire à la construction de son intelligence.

Par ailleurs, même s’il respecte son rythme et ses appétences il suit le programme pédagogique établi par Maria Montessori dans ses livres « la Pédagogie scientifique » et est incité quotidiennement à aller explorer des matières qu’il apprécie moins que d’autres.

Apprendre l’autonomie

Encourager l’autonomie et les initiatives dès le plus jeune âge est l’un des points essentiels de la méthode. En partant du principe que, pour l’enfant, la motivation pour apprendre est naturelle, Maria Montessori a proposé un certain nombre de moyens pour favoriser le développement de l’enfant en tant que personne. Notamment, et c’est peut-être la base fondamentale de sa pédagogie, pour ce qui concerne l’attitude « en retrait » de l’éducateur : l’adulte « n’enseigne pas », il accompagne, il guide et soutient. De l’extérieur, on peut avoir l’impression qu’il ne fait rien parce qu’il ne s’impose pas et n’impose rien. En fait, les enfants comprennent très vite qu’il est là pour proposer des activités, pour leur apporter une aide dès qu’ils rencontrent une difficulté, pour montrer l’exemple et non pour exiger, pour écouter et non pour juger. « Éduquer, ce n’est pas dresser », disait Maria Montessori. Cette attitude demande à l’adulte un sens de l’observation et de l’écoute développé et une attention de tous les instants. D’une façon étonnante, cette idée de l’adulte en tant que guide évoque l’enseignement du zen, pour lequel le maître n’enseigne pas, mais « transmet d’esprit à esprit », et toujours en donnant l’exemple…

Stimuler le désir d’apprendre

L’un des points forts des écoles Montessori, c’est l’extraordinaire richesse du matériel pédagogique – très diversifié, ludique et coloré – conçu pour permettre à l’enfant de découvrir des notions abstraites de façon d’abord concrète et sensorielle. Ce matériel, adapté à chaque âge, est l’un des éléments clés de l’« environnement préparé », l’un des grands concepts de cette méthode, qui repose à la fois sur les aspects matériels physiques, temporels et sociaux, qui vont encourager l’activité autonome de l’enfant. « La fonction du milieu n’est pas de former l’enfant, mais de lui permettre de se révéler », écrivait Maria Montessori qui pensait, à juste titre, que les capacités d’apprentissage des enfants, source d’étonnement quotidien chez les professionnels Montessori, sont largement sous-estimées dans les pédagogies conventionnelles. Ce sont de véritables « esprits absorbants », disait-elle. Ainsi, dans une classe, il n’y a pas de bureau pour l’éducateur susceptible de focaliser l’attention, parce que la stimulation est suscitée par la richesse de l’environnement global. Et, contrairement aux idées reçues, les enfants s’arrangent très bien de la complexité, à condition qu’ils soient actifs !

Éveiller la créativité

« L’enfant n’est pas un vase que l’on remplit, mais une source que l’on laisse jaillir », disait aussi Maria Montessori. Conséquence directe d’un environnement sensoriel riche, et donc stimulant, l’éveil de la créativité est ici renforcé par l’un des aspects les plus étonnants de cette méthode par rapport à une classe conventionnelle : les enfants peuvent choisir eux-mêmes leurs activités. Comme elles sont très diversifiées, cette liberté laisse chaque enfant expérimenter l’enthousiasme d’apprendre selon son propre choix. Elle l’incite non seulement à explorer spontanément ce qui l’attire le plus, mais aussi, grâce à cet apprentissage par l’expérience, à élaborer lui-même sa propre façon d’appréhender les objets, jeux et jouets pédagogiques qui sollicitent sa curiosité, et donc à forger ses propres stratégies face à la nouveauté.

Développer l’auto-discipline

Selon la méthode Montessori, il n’y a pas de « juste » et de « faux » assénés par un adulte – tout comme il n’y a pas de système de notation – mais, encore une fois, des expériences de vie qui lui permettent de s’exercer à faire mieux et de se perfectionner. Aussi, plutôt que de subir de façon passive les corrections d’un professeur, l’enfant va être invité par l’éducateur à repérer lui-même ses erreurs, quitte à les répéter jusqu’à ce qu’il comprenne, tout comme un scientifique qui reproduit une expérience jusqu’à ce qu’il trouve la solution. En cela, le matériel pédagogique ‑ qu’il soit axé sur la vie pratique, le langage ou les mathématiques –, est conçu pour offrir à l’enfant un contrôle concret et visible pour mesurer s’il a bien mené l’activité à son terme. À force de se corriger lui-même, il devient de plus en plus indépendant par rapport à l’adulte et développe dans le même temps sa capacité de concentration. C’est pourquoi, même s’il y a toujours un « bourdonnement d’activités » dans une classe Montessori, c’est l’atmosphère de calme et de sérénité heureuse qui frappe souvent les parents et les visiteurs…

Remédier aux difficultés

Développer la confiance de l’enfant en ses propres capacités dans un climat de confiance est aussi l’un des maîtres-mots de la pédagogie Montessori. Une base qui va permettre à l’adulte d’aider l’enfant à ne pas se décourager, décrocher ou s’enliser. C’est pourquoi l’éducateur doit être capable de reconnaître et d’accepter l’enfant au niveau où il est. Mais une autre particularité de ces classes peut aussi être un apport exceptionnel pour surmonter les difficultés : le mélange des âges. En effet, spontanément, les « grands » ont tendance à éprouver le besoin d’aider les « petits » et sont souvent d’une grande justesse dans leurs interventions. Et, la plupart du temps, les « petits » sont motivés par le travail de leurs aînés. Pour un « grand », c’est l’occasion de développer ses qualités sociales et de voir intuitivement le chemin qu’il a parcouru. Aussi, il va sans dire que, à l’inverse des systèmes éducatifs classiques, il n’y a ici ni sélection ni compétition…

(1) À lire : Les lois naturelles de l’enfant, de Céline Alvarez, éditions Les Arènes, 2016.
(2) Programme international pour le suivi des acquis des élèves (lecture, mathématiques, science), étude menée par l’OCDE, classement 2016.
(3) Institution Jeanne d’Arc, à Roubaix (59), qui a ouvert sa première classe Montessori en 1946.
(4) Le maître est l’enfant, d’Alexandre Mouret, avec Annie Duperey et Christian Maréchal. DVD 100 mn. Production participative.
(5) École Montessori Internationale Le Port-Marly. Portes ouvertes et conférence le samedi 23 juin. Internet : ecole-des-orchidees.com.

C’est un véritable boom des écoles Montessori auquel on assiste aujourd’hui, et pas seulement en France, qui compte environ 170 établissements – dont la plupart fonctionnent désormais avec des « listes d’attente » –, mais aussi dans le monde entier, avec plus de 30 000 adresses recensées. D’ailleurs, parmi toutes les pédagogies alternatives, c’est la seule qui soit diffusée sur tous les continents et qui affiche une progression annuelle de plus de 6 %. Rien qu’en Suisse romande, une nouvelle école ouvre chaque année ! Un succès qui s’est peut-être démultiplié depuis que l’on a appris que dans la Silicon Valley, le temple de l’ultra-technologie, de plus en plus d’ingénieurs envoient leurs enfants dans des écoles alternatives – Waldorf et Montessori notamment –, là où la technologie est, justement, complètement bannie ! Et avec la bénédiction des fondateurs de Google, Amazon et Wikipédia qui, eux aussi, ont fait leurs premiers pas dans ces institutions. Et peut-être aussi depuis que le petit prince George (le fils du prince William et de Kate Middleton) a fait sa rentrée des classes en 2016 à la Westacre Montessori School Nursery de Norfolk, provoquant un raz-de-marée d’appels de parents dans les quelques 700 écoles proposant cette méthode au Royaume-Uni… Au point que cette avalanche inédite a été qualifiée d’« effet Baby George » ! En tout cas, en France, avec le succès du film d’Alexandre Mourot, le nombre de parents intéressés par une véritable pédagogie, beaucoup plus « humaine » que celle prônée dans les systèmes académiques conventionnels, et appliquée par des professeurs dûment formés, ne cesse d’augmenter.

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