par Erik Pigani
Il est curieux de voir à quel point le terme « méditation » fascine mais inspire, encore aujourd’hui, un sentiment dubitatif, si ce n’est une certaine méfiance, non seulement dans le grand public, mais aussi chez les psys et les thérapeutes. L’empreinte religieuse de cette pratique millénaire de l’esprit y est certainement pour beaucoup. Mais il est surtout curieux de voir le nombre de personnes aujourd’hui « intéressées » par cette technique de l’esprit suite à la multiplication des reportages et des livres sur les « bénéfices » qu’elle apporte, et qui n’osent pas se lancer dans une pratique qui leur paraît toujours aussi étrange qu’astreignante… Pourtant, en soi, la méditation n’a pourtant rien de religieux, d’étrange, ni d’astreignant… Il n’est même pas interdit de mettre au point sa propre technique !
Il n’y a pas une seule, mais une variété illimitée de techniques de méditation.
L’image du méditant assis dans la position bien connue du lotus a été tellement utilisée – dans la presse, le cinéma ou la pub télé –, que beaucoup croient encore qu’il faut obligatoirement passer par cette contrainte physique pour forcer son mental à entrer dans un état méditatif. Il n’en est rien ! Cette position inconfortable pour ceux qui n’ont jamais suivi un entraînement intensif est spécifique à la méditation yogique, dont le raja-yoga est la forme la plus élevée mais aussi la plus difficile. Et on le comprend bien… En fait, il existe une bonne vingtaine de méthodes « officielles », très différentes les unes des autres, ce qui montre à quel point il ne s’agit pas d’une technique fixe et définitive réservée à un cercle fermé de pratiquants. Pour avoir un aperçu de ces différences, il est possible de classer les méditations en 3 familles :
• Les méditations de concentration : elles amènent le pratiquant à regarder le flux des pensées, comme s’il regardait un film, et à laisser se vider l’esprit pour parvenir à la « conscience claire ». Elles demandent généralement un apprentissage long et rigoureux, car elles ont toutes leur position, leurs rituels, leur mode opératoire. Ce sont les méditations zen (dites aussi « zazen », réputée être la pus exigeante de toutes), tibétaine, Vipassana, sikh, yogique (avec des variantes selon les écoles).
• Les méditations répétitives : elles focalisent les pensées sur un élément répétitif, comme un mantra (une phrase d’un texte sacré), une prière, un son… Elles sont moins difficiles d’accès car la position du corps peut être plus naturelle et plus détendue. Ce sont les méditation juive (hébraïque) chrétienne (qui comporte des variantes, comme la « contemplation »), soufie (plus difficile, avec des exercices de respiration puissants), transcendentale (une technique védique adaptée pour les Occidentaux).
• Les méditations du mouvement : elles s’exercent… en bougeant ! Et généralement en utilisant aussi des éléments répétitifs. Ce sont les méditations taoistes (le taï-chi, le qi gong et le shintaïdo sont considérés comme des pratiques méditatives), yogique, zen (le « kin-hin », qui consiste à méditer en marchant selon un rituel très précis), ainsi que toutes les formes de méditation issues du développement personnel lorsqu’elles impliquent une attention particulière au corps.
Quant à la « méditation de pleine conscience », qui connaît un tel succès ces dernières années, on peut considérer qu’elle fait partie de ces trois familles. Développée par le docteur Jon Kabat-Zinn à partir des principes de l’attention juste du bouddhisme en tant que thérapie pour la réduction du stress, elle consiste à porter son attention sur chacun des aspects de notre vie : notre marche, nos gestes, une pensée répétitive, un de nos sens, notre respiration, une partie de notre corps… pour éprouver le plus intensément possible le moment présent.
Aussi, un musicien qui travaille ses gammes ou une œuvre en prêtant attention à ses doigts, sa posture et aux sons, fait-il quotidiennement de la « pleine conscience » sans le savoir ! De la même façon qu’un jardinier porte toute son attention à ses gestes lorsqu’il plante un petit arbre. Voilà pourquoi toutes les situations et les gestes de la vie peuvent devenir le support d’état méditatifs, qu’il soient focalisés sur un objet, un geste, une prière ou, au contraire, qu’ils permettent de « vider » l’esprit et de ne plus penser à rien grâce à une voie plus contemplative.
On ne compte plus les études scientifiques qui démontrent les effets bénéfiques de la méditation.
Au début des années 1960, Herbert Benson, un jeune cardiologue de l’université Harvard, s’est lancé dans la première grande étude médicale qui devait permettre de vérifier si la méditation pouvait réduire l’hypertension. Sceptique patenté, il n’y croyait pas. Quelques semaines après avoir commencé les tests, il a constaté que, non seulement cette technique permettait de faire baisser l’hypertension, mais aussi qu’elle permettait de réduire l’anxiété, le taux de cholestérol, les douleurs chroniques et la dépendance ! La deuxième grande série d’études a été menée par le Dr David Orme-Johnson à la fin des années 1960 et a fait date car elle a été publiée officiellement dans la revue Psychosomatic Medicine. Elle démontrait que chez les pratiquants de la Méditation Transcendentale, le nombre de consultation médicales diminue de 44 %, les maladies cardio-vasculaires de 87 %, les maladies infectieuses de 30 % ! Quant aux études menées par Jon Kabat-Zinn depuis les années 1970 à la clinique de réduction du stress de l’université du Massachusetts avec son programme de méditation de la Pleine conscience, elles ont démontré que cette pratique permet, en plus des autres effets, de diminuer les névroses et l’agressivité, de développer la mémoire et la créativité, d’avoir un sommeil plus profond, d’améliorer le système cardio-vasculaire, les relations personnelles et la vie professionnelle…
Bien d’autres études ont été menées de manière plus indépendantes, comme celle de Pierre Étévenon l’hôpital Sainte-Anne, à Paris, avec le maître zen Taisen Deshimaru ; ou celles, plus récentes, de Deepak Chopra, qui montrent que la méditation peut aussi réparer notre ADN, et donc ralentir le vieillissement… La plus spectaculaire restant celle menée par Paul Ekman à l’université de Californie à San Francisco avec le moine bouddhiste Matthieu Ricard capable, en état de méditation, de ne pas sursauter lorsqu’on lui faisait entendre un bruit équivalent à une grosse explosion. Ce qui, humainement, est impossible. Avec ce nombre impressionnant d’études validées et cette liste de bénéfices, certains hésitent-ils encore ? Il est probable que cette kyrielle d’exemples de méditants chevronnés, qui plus est de « méditants professionnels » comme Matthieu Ricard, provoquent l’effet « je n’y arriverais jamais ». Pourtant, il n’est pas obligatoire d’être pratiquant certifié ni même professionnel (à moins que de vouloir devenir moine bouddhiste !), pour obtenir des effets positifs sur notre corps comme sur notre esprit.
Une minute par jour de calme de l’esprit est déjà un grand pas vers la sérénité.
En effet, et si vous ne faisiez qu’une minute de méditation par jour ? Oui, juste une minute ! C’est la base du kaizen – un terme japonais que l’on peut traduire par « amélioration continue » – une méthode de management utilisée au Japon pour améliorer la qualité du travail et amorcer des changements durables. Le principe est d’une simplicité désarmante : au lieu de s’engager dans un programme lourd qui demande un investissement personnel important, on commence par effectuer de toutes petites actions qui demandent très peu d’efforts en très peu de temps – de 1 à 15 minutes. Le kaizen peut ainsi s’appliquer à tous les domaines de la vie : entretenir sa mémoire, ranger ses papiers, nettoyer un coin de la cuisine, faire un exercice physique, apprendre une langue étrangère, méditer, faire un exercice de respiration profonde ou quelques gestes de qi gong… En somme, un petit pas à la fois qui, pourtant, peut nous emmener très loin. Avec des avantages : des objectifs faciles qui permettent de lever nos blocages inconscients au changement, de ne pas se laisser piéger par l’effet « bonne résolution » souvent impossible à tenir sur le long terme, de retrouver confiance en soi et apprendre le goût du succès durable.
Sur cette durée limitée, vous pouvez créer votre propre méthode de « méditation-minute » en vous posant ces deux questions :
• Quelle est la meilleure position pour que je puisse à la fois me détendre tout en me concentrant sur moi-même ? (assis en tailleur ou sur une chaise, debout, en marchant lentement, allongé sur le sol…).
• Est-il plus facile pour moi de me concentrer sur un objet (une bougie par exemple), d’utiliser un mantra ou un son, ou de tenter de ne penser à rien ?
Choisissez ensuite le lieu où vous tenterez cette expérience, ainsi qu’une heure fixe dans la journée (pour la plupart des méditants, le matin tôt est le meilleur moment de la journée). Il ne vous reste alors qu’à reproduire l’expérience tous les jours, d’abord pendant 1 minute, puis 2, puis 3, puis 4… Au fur et à mesure, vous pourrez ajouter des éléments supplémentaires, comme le contrôle d’une respiration ample et profonde, un changement de position avec une attention particulièrement à l’ajustement de la colonne vertébrale, le choix d’un mantra plus long… Au bout de quelques jours, vous devriez déjà ressentir les effets de cette petite pause dans le temps. Et, par la suite, rien ne vous empêchera de vous engager dans l’une des méthodes « officielles » !
Pour donner un exemple de méditation « personnalisée », j’avais mis au point ce petit protocole d’initiation qui peut se pratiquer à raison de cinq minutes par jour :
• Asseyez-vous sur une chaise, la colonne vertébrale bien droite, sans vous appuyer sur le dossier.
• Laissez tomber les épaules, posez les mains sur les genoux, paumes dirigées vers le haut. Fermez les yeux.
• Respirez lentement, profondément, à un rythme régulier : comptez mentalement 6 secondes pour l’inspiration, 6 secondes pour l’expiration.
• Au bout d’une minute, bloquez les poumons entre chaque inspiration et chaque expiration, tout en comptant :
8 secondes d’inspiration ; bloquez les poumons 4 secondes ;
8 secondes d’expiration ; bloquez les poumons 4 secondes.
• Continuez pendant une minute.
• En respirant au même rythme, concentrez-vous successivement sur chacune des parties de votre corps, comme si vous projetiez votre esprit dans la partie que vous allez relaxer. D’abord les doigts de pied, ensuite les pieds, les mollets, les genoux, les cuisses…
• Remontez très lentement l’ensemble du corps en visualisant une lumière bleue qui vous envahit doucement.
• Arrivé au sommet du crâne, ouvrez légèrement les yeux et fixez un point devant vous, mais sans vraiment le regarder.
• Inspirez et modulez à mi-voix, chaque fois que vous expirez, les cinq voyelles dans cet ordre : A, E, O, U, I (une voyelle par expiration).
• Poursuivez cet exercice pendant une minute en vous concentrant uniquement sur les voyelles et la respiration.
• Tout en gardant la même position, relâchez votre effort de concentration, et tentez de vider votre esprit…
2 réponses
Bonjour,
Pour ma part, je pratique la méditation sur le coeur (heartfulness). On est assis confortablement. Il y a dans un premier temps une courte relaxation. On relache tout le corps. Puis dès qu’on a une impression d’uniformité dans tout le corps on porte son attention vers notre coeur. Il s’ agit de se concentrer sur son coeur en imaginant qu’une source de lumière illumine notre coeur de l’intérieur. On se sent immerger dans l’amour et la lumière de notre coeur. On accepte les pensées, mais on essaie de se recentrer sur notre coeur. Cela se fait en groupe ou seul chez soi.
A experimnter